A GLIMPSE AT SARAJEVO est un projet de film géo-graphique autour d’une ville et d’un concept : Sarajevo et la ligne.

La Bosnie-Herzégovine est traversée par la ligne de démarcation Inter Entity Boundary Line (IEBL) qui partage le territoire en deux, résultat des accords de Dayton de 1995, censés séparer pour permettre un État unitaire. Sarajevo est un point de passage de cette ligne.

Le film est une enquête sur cette ligne-frontière : comment se manifeste l'IEBL dans le paysage ? Témoignages des autochtones et étude des cartes disponibles seront le point de départ de cette enquête. Ces interrogations sur l’IEBL nous mèneront à explorer d’autres lignes : celles que tracent la ville et ses habitants.

Ceux qui feront le film feront aussi des lignes. Des linemakers faiseurs d’images pour qui il s’agira d’éprouver le traçage : faire l’expérience du tracé dans le paysage réel. Craie et charbon seront utilisés pour dessiner ces lignes éphémères. Plusieurs zones stratégiques de la ville et de son histoire seront investies : la vieille ville ottomane, les collines périphériques, les alentours de l’aéroport, puis la montagne Bjelasnica, lieu palimpseste, ancienne station olympique, puis couloir de combats et d’exil pendant le siège, aujourd’hui station de ski en réhabilitation.

A cette polyphonie de lignes, nous répondrons par la diversité de nos six regards et la diversité des supports que nous utiliserons. Du dessin à l’image en mouvement, du tracé à la captation vidéo, des sons à la voix.

Un puzzle de regards et de formes à la recherche d’une unité.

7 août 2009

RETOUR

Hiver 2007, nous découvrons les joueurs d'échec de Sarajevo.
Été 2009, nous revenons à leur rencontre et leur offrons des agrandissements de photographies, prises la première fois.

Notre boucle est bouclée. La boucle d'un premier voyage, d'un deuxième pour des repérages puis d'un troisième, ce mois de tournage que nous achevons aujourd'hui.

Damir Radovic, artiste contemporain né à Sarajevo, nous confiait lors de notre rencontre son désir de créer des boucles pour mieux les casser. Expression de son désir que l'histoire ne se répète pas, en Bosnie-Herzégovine.

Des lignes, nous n'en avons tracées que d'éphémères.
Des frontières, nous n'avons eu de cesse de les franchir que pour mieux les interroger. Peut-être pour les remettre en question.

Le discours reste maintenant à construire : donner corps, à partir de la matière vidéo et sonore que nous venons de récolter, à notre vision.

Le film, compte rendu de notre étude de cas à Sarajevo par la composition de variations poétiques sur la ligne, sera achevé au printemps 2010. Le travail éditorial qui accompagnera le DVD est déjà en route.

Nous remercions sincèrement chacune des personnes que nous avons rencontrées, ainsi que nos partenaires.


2 août 2009

Journées photographiques

L'arrivée de Coralie et Lucas à Sarajevo a marqué une nouvelle étape dans notre projet. Le travail s'est essentiellement centré sur la photographie. Trois journées passées à travailler autour de grands thèmes dégagés à partir des propos de Pierre Boffety, Catherine Ranou, Francis Bueb ou Florence Hartmann.

Premier jour : travail sur la géographie de la ville (entourée par les montagnes). Souvenir de deux propos :
"(...)la montagne, c'est l'ennemi" (Pierre Boffety évoquant le siège de Sarajevo)
"Pour moi, la frontière, c'était les montagnes (...)" (Catherine Ranou)

Deuxième jour : concentration sur quelques caractères architecturaux de la ville. Portraits de batiments anonymes ou symboliques en pied et en gros plan. La journée se poursuit par une déambulation nocturne prenant pour point de départ le batiment du journal Oslobodenje à l'ouest de la ville, pour aboutir, à l'heure du premier chant des muezzins, au vieux fort ottoman surplombant la ville à son extrêmité est.

Troisième jour : recherche de jeunes arbres dans la ville et portraits. Souvenir d'un propos de Francis Bueb :
"Partout où il y a de nouveaux arbres, d'autres sont morts."

Depuis hier, nous avons quitté Sarajevo pour la chaleur du Sud du pays. Une petite journée passée à Mostar : montée sur la montagne surplombant la ville, travail photographique et filmique sur le bulevar Kolodvorska (ancienne ligne de front, aujourd'hui zone de division au sein de la ville entre son Est musulman et son Ouest croate). Fin de journée : arrivée à Stolac (35 km au sud est de Mostar) pour assister aux journées de Stolac organisées par le Centre André Malraux. Nous attendons Gilles Clément.

Compte rendu de notre passage ici dans quelques jours.


NB : un article sur notre projet est publié sur le site du Courrier des Balkans

26 juillet 2009

Cinq jours à Kozara

Nous revenons de cinq jours passés dans le nord du pays, à côté de Prijedor, dans le parc naturel de Kozara. Nous étions invités par le groupe d'artistes contemporains TAC.KA qui organisait pour la troisième fois, dix jours d'"Art in nature" avec des artistes des Balkans et d'Italie.

Nous étions logés dans des "barracks" situés dans le parc naturel, et chaque jour, un fourgon nous emmenait à un endroit précis du parc où les artistes travaillaient.

Ces quelques jours passés là-bas nous ont permis de participer à notre manière à la manifestation, en intégrant les questionnements qui nous animent dans notre recherche documentaire. Nous avons proposé une pièce intitulée "Topographic Lines", une carte paysage : dans un espace bien défini et choisi pour son fort dénivelé, nous avons dessiné avec de la krec les lignes du relief à l'aide de notre GPS. Une conciliation du paysage et de sa représentation. Déposer, surligner. Non pas apposer ou délimiter.

Parallèlement à ces travaux, nous avons accroché trois écrans blancs dans le paysage, que nous avons filmés.

Nous avons également pu échanger avec les sept artistes invités à Kozara et avec les organisateurs de la manifestation : Igor, Mladen, Miljana et Dragan. Encore une fois, de très belles rencontres et un accueil chaleureux qui nous a beaucoup touché. Nous espérons pouvoir donner une continuité à ces rencontres et inviter ces artistes en France dans le cadre d'un projet d'exposition-rencontre qui reste à construire.

Retour à Sarajevo, reprise du travail autour de la ligne. Au programme : rencontre avec Jovan Divjak (ancien général de l'armée de la République de Bosnie Herzégovine), libres tracés de lignes dans la montagne Bjelasnica à Babin Do.

Mardi, Lucas et Coralie nous rejoignent : l'équipe sera au complet pour nos dix derniers jours en Bosnie Herzégovine.

19 juillet 2009

Première semaine de tournage


Une première semaine de tournage s'achève. Notre travail à Sarajevo s'organise. Nous avons loué une voiture qui nous permet de quadriller les alentours de Sarajevo et de tourner les premiers travellings.

Nous nous sommes concentrés essentiellement sur l'observation des zones traversées par l'IEBL à Sarajevo. Partis du sud de la ville (l'aéroport, Dobrinja), nous avons remontés les bordures de la ville jusqu'au Mont Trebevic.

L'approche est simple : après des repérages cartographiques ou satellites, nous nous rendons sur un lieu. Des déambulations dans le paysage nous mènent à la découverte d'indices ou non (présence policière, panneaux indicateurs, plaques et numéros de rues, transports, lieux de cultes, cimetières). Des rencontres avec des piétons ou des habitants nous permettent de confirmer ces indices puis d'établir un repérage précis. Ces repérages nous donnent cependant moins accès à la délimitation d'une ligne qu'à la localisation d'une zone tampon (zone de mélange, de croisements, de flux, de passages : espace entre deux ou plusieurs lignes).

Traverser ces zones est pour nous le premier acte créatif, avant même d'enregistrer notre observation puis de garder une trace de notre contact avec la zone en question. Interroger ces territoires, c'est enfin interroger le devenir des personnes rencontrées.

Nous sommes agréablement surpris de ces rencontres et de la bienveillance des gens à notre égard. Les regards des passants sur la caméra sont d'abord interrogateurs, puis amusés.

Après un premier tracé libre d'une ligne de craie dans les montagnes de Jahorina, nous partons pour quelques jours vers les montagnes de Kozara à la rencontre des artistes du groupe TAČ.KA.



12 juillet 2009

Arrivée à Sarajevo


Après plus de vingt huit heures de train, nous sommes arrivés à Sarajevo.

Nous logeons dans l'appartement d'un français exilé à Sarajevo, momentanément en vacances en France. L'appartement est équipé d'Internet. Toutes les conditions sont réunies pour bien travailler. Nous sommes presque au sommet d'une montagne de la ville. Nous voyons en face les anciennes lignes serbes.

Le climat est le même que les fois précédentes : difficile. Il fait très lourd et des orages éclatent plusieurs fois dans la journée.

Le soir même de notre arrivée, nous avons profité d'un vernissage dans une petite galerie d'art contemporain (10m2) pour entrer en contact avec des personnalités de la culture locale. Beaucoup de discussions, déjà, sur le concept de culture et les problématiques sous-jacentes dans un pays comme la Bosnie-Herzégovine. Des journalistes et des employés de l'ambassade ont reconnu Clément, grâce à l'article du Télégramme : leurs alertes Google sur la Bosnie-Herzégovine leur avait permis de recevoir l'article.

Les gens disent facilement que le pays sera bientôt franchement divisé, que la partie serbe sera bientôt autonome. Nous n'avions jamais entendu de point de vue si franc jusque là. Un journaliste a plaisanté et nous a dit : lorsque vous repartirez, dans un mois, vous ne travaillerez plus sur un pays mais sur deux.

Surtout, tout le monde ici veut aller de l'avant. Les gens semblent las des problématiques politiques. Et, en même temps, aucune discussion ne peut faire l'impasse sur le problème de la division. Paradoxe que nous devons prendre en compte dans notre démarche. Approcher les gens par les ouvertures pour mieux comprendre les noeuds.

Le travail se met peu à peu en place, nous essaierons de vous tenir régulièrement informés de nos avancées et de nos rencontres.